Fidèle à ses racines, le jeune rappeur guinéen, Straïker, ne fait aucun compromis entre authenticité et excellence musicale.
Récompensé pour son engagement en faveur des langues nationales, l’almamy du rap comme il se fait appeler, prouve qu’il est possible d’élever la musique urbaine à un haut niveau sans renier son identité.
A quelques jours de son grand concert, prévu le 3 mai prochain au stade Général Lansana Conté de Nongo, votre média d’informations culturelles Generations224.info l’a rencontré pour un échange sans filtre sur sa vision du rap, son amour pour les langues africaines et son ambition d’inspirer une nouvelle génération d’artistes conscients et fiers de leurs origines.
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Generations224.info : récemment, vous avez remporté un trophée pour votre engagement dans la promotion des langues nationale. Que représente ce prix pour vous et comment avez-vous accueilli cette reconnaissance pour ton travail ?
Straiker : Merci ! Ce prix est une immense fierté pour moi parce qu’il ne récompense pas seulement mon travail en tant qu’artiste, mais aussi mon engagement pour la valorisation de notre culture et de nos langues nationales. Quand j’ai appris que j’étais honoré de cette manière, j’ai ressenti de la gratitude et aussi une certaine responsabilité. Cela montre que ce que je fais a du sens et que ça touche les gens. C’est une motivation supplémentaire pour continuer à défendre notre identité à travers ma musique.
Pourquoi as-tu choisi d’écrire et de rapper principalement en langue nationale, et quel message souhaites-tu transmettre à travers ce choix ?
Straiker : D’abord, parce que c’est ma langue maternelle, c’est celle avec laquelle je ressens le plus d’authenticité quand je m’exprime. Ensuite, je veux montrer qu’on peut faire du rap de haut niveau en restant fidèle à nos racines. Trop souvent, on pense qu’il faut forcément rapper en français ou en anglais pour être pris au sérieux, mais moi, je veux prouver que nos langues ont une richesse poétique et musicale incroyable. À travers ce choix, j’encourage aussi les jeunes à être fiers de leur identité et à ne pas avoir peur d’innover en restant eux-mêmes.
Penses-tu que la langue nationale peut être un frein ou, au contraire, un atout pour toucher un public plus large, notamment à l’international ?
Straïker : cela peut être vu comme un frein par beaucoup de personnes, mais moi, je le considère comme un atout. Aujourd’hui, la musique est une question d’émotion et de sonorité avant même les paroles. On a vu des artistes comme Burna Boy, Rosalia ou encore BTS s’imposer sur la scène mondiale sans forcément chanter dans des langues universelles. Si la musique est bonne, le public suit. Mon objectif, c’est de faire en sorte que mes morceaux soient tellement bien travaillés que même quelqu’un qui ne comprend pas ma langue puisse les ressentir.
Peux-tu nous parler du processus créatif derrière tes textes ? Comment intègres-tu les sonorités et expressions propres à ta langue pour qu’elles résonnent en musique ?
Straïker : mon processus créatif commence toujours par une émotion. Je pars souvent d’un ressenti, d’un vécu ou d’un message que je veux faire passer. Ensuite, j’essaie de jouer avec les sonorités de ma langue pour que ça colle au rythme. Nos langues africaines ont une musicalité naturelle et j’aime exploiter ça, en variant les intonations, en utilisant des expressions imagées et en adaptant mon flow aux percussions. Parfois, je mélange des proverbes ou des phrases du quotidien pour rendre mes textes encore plus vivants et parlants.
Quels sont les défis auxquels tu fais face en tant qu’artiste promouvant une langue africaine, notamment en termes de diffusion, de production et d’acceptation par le public ?
Straïker : le premier défi, c’est la visibilité. Beaucoup de plateformes de streaming et de médias privilégient les contenus en langues dominantes, donc il faut se battre pour imposer notre musique. Ensuite, il y a l’aspect financier, produire de la musique de qualité demande des moyens et les investisseurs sont souvent frileux quand on ne suit pas les tendances classiques. Enfin, il y a parfois un manque de confiance de notre propre public. Certains pensent que si ce n’est pas en français ou en anglais, ça ne peut pas aller loin. Mais heureusement, les mentalités évoluent, et de plus en plus de gens comprennent l’importance de consommer et de valoriser notre propre culture.
Y a t-il des artistes ou des influences particulières qui t’ont inspiré dans cette démarche de valorisation linguistique à travers le rap ?
Straïker : Oui, bien sûr ! D’abord, en Guinée, il y a des groupes comme Banlieuz’art qui ont su mélanger modernité et identité culturelle. Il y a aussi Yoriken du groupe Methodik qui a toujours eu une plume authentique vu qu’on parle de rap! Il y a aussi lord kemy du groupe LEG DEF ! À l’international, des artistes comme Daara J m’inspirent beaucoup et pleins d’autres. Ils m’ont inspiré de par leur façon de sublimer la langue à travers la musique.
Avec cette récompense, comptes-tu initier des projets spécifiques pour encourager d’autres artistes à suivre cette voie et promouvoir davantage les langues nationales à travers la musique urbaine ?
Straïker : Oui, c’est une de mes ambitions. Je veux montrer aux jeunes artistes qu’on peut faire du rap en restant fidèle à nos langues et à notre culture. J’aimerais organiser des ateliers d’écriture et des rencontres pour encourager ceux qui veulent se lancer. Et pourquoi pas créer une plateforme dédiée aux musiques urbaines en langues africaines ? Ce prix me donne encore plus d’envie d’aller dans cette direction et de contribuer à faire bouger les choses. Pourquoi pas ?
Entretien réalisé par Alpha Camara