Femmes et Développement Culturel : Raby Diaby, de la finance à l’artisanat, un parcours guidé par la passion et la résilience
Raby Diaby incarne cette nouvelle génération de femmes qui osent allier rigueur professionnelle et créativité artisanale. Après une carrière marquée par des expériences dans la finance, le secteur minier et aujourd’hui dans les finances, cette diplômée en banque et finance a trouvé dans l’artisanat un véritable espace d’expression, de liberté et d’impact social.
Poussée par la curiosité, la frustration d’un objet introuvable, et l’encouragement d’une collègue, elle s’est lancée dans la création d’objets de décoration intérieure, à base de jute et de matières naturelles, valorisant le Made in Guinea. Aujourd’hui, elle sublime les intérieurs avec des pièces uniques, pleines d’âme, qui racontent une histoire et reflètent un savoir-faire authentique.
Dans cet entretien, la gérante de Khaïr Art revient sur son parcours atypique, ses inspirations, les défis du secteur artisanal, et le message fort qu’elle adresse à toutes les jeunes femmes créatives qui souhaitent faire de leur passion un métier viable.
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Votre travail allie art et artisanat pour sublimer les intérieurs avec des créations uniques. Comment êtes-vous entrée dans cet univers et quel a été votre parcours jusqu’à aujourd’hui ?
Raby Diaby : C’est la curiosité, la frustration et aussi un peu de solitude qui m’ont conduite vers l’artisanat. Ma curiosité s’est éveillée en observant ce processus fascinant : partir d’un objet simple, parfois même insignifiant, et le transformer en quelque chose de beau, de fonctionnel, et de porteur de sens. La frustration est née d’un coup de cœur pour un panier en jute que je n’ai jamais réussi à retrouver sur le marché. Ce jour-là, je me suis dit : « Je vais le fabriquer moi-même. » Quant à la solitude, elle m’a offert un terrain fertile : le bricolage est devenu un refuge, un exutoire qui m’a permis de transformer mes moments de silence en instants de créativité et de sérénité. Un jour, une collègue m’a dit : « Tu devrais vendre ta passion, on sent que tu vibres pour ce que tu fais. » C’est ce déclic qui a tout lancé. Depuis, je crée avec le cœur, en mettant une touche d’âme dans chaque pièce. Mon parcours est fait de défis, d’expérimentations et d’apprentissages. À chaque étape, je me perfectionne. Ce n’est pas un chemin toujours facile, mais c’est le mien, et je l’embrasse avec passion.
Vous êtes une ambassadrice du savoir-faire local à travers vos œuvres. Quelles sont les influences culturelles et artistiques qui inspirent vos créations ?
Raby Diaby : Je m’inspire avant tout de mon instinct, des besoins et envies de mes clients, et de certaines influences culturelles, notamment l’art traditionnel marocain, qui m’a beaucoup marquée, notamment dans le travail du jute. Mais au fond, chaque création est un mélange entre authenticité locale et interprétation personnelle. J’aime revisiter les savoir-faire traditionnels avec une touche contemporaine pour qu’ils puissent s’intégrer dans les espaces modernes, tout en racontant une histoire enracinée.
L’artisanat et la décoration intérieure ne sont pas seulement des formes d’expression, mais aussi des leviers économiques. Comment voyez-vous leur impact sur l’économie locale et l’image de la Guinée à l’international ?
Raby Diaby : L’impact est considérable, et trop souvent sous-estimé. Ces secteurs créent de l’emploi, tant en amont (artisans, producteurs de matières premières) qu’en aval (commerçants, designers, logisticiens). Ils permettent aussi de préserver les savoir-faire ancestraux, tout en offrant une voie de résilience économique, notamment pour les femmes et les jeunes. À l’international, ils participent au rayonnement culturel de la Guinée. Nos textiles, nos objets, nos styles ont une valeur identitaire forte. Il suffit de leur donner les moyens d’être visibles à travers les foires, les plateformes numériques ou les collaborations créatives. Le potentiel est énorme.
L’essor du “Made in Guinea” et du “Made in Africa” dans la décoration séduit de plus en plus, mais le marché reste compétitif. Quels sont les défis que vous rencontrez et comment vous démarquez-vous ?
Raby Diaby : Le chemin est encore long. En tant que femme entrepreneure, je fais face à plusieurs défis : manque d’accès au financement, faible visibilité médiatique, difficultés d’approvisionnement local, et une concurrence féroce avec des produits importés, souvent moins chers mais sans âme. Mais j’ai choisi de faire de ces contraintes une force. Je mise sur l’authenticité, le fait-main de qualité, et surtout, sur un storytelling fort : chaque pièce a une histoire, chaque objet porte un message. Je crois qu’aujourd’hui, les consommateurs veulent plus que des produits : ils veulent une expérience. Et c’est ce que je m’efforce d’offrir.
Vous êtes à la croisée de l’art, du design et de l’artisanat. Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes femmes qui rêvent de faire de la création artisanale un métier ?
Raby Diaby : Je leur dirais ceci : votre passion a de la valeur. Immense même. Ne sous-estimez jamais ce que vos mains, votre imagination et votre sensibilité peuvent créer. Ce n’est pas un chemin facile, mais il est profondément enrichissant. La création artisanale est une voie noble, une source de dignité et d’indépendance. Il ne faut pas attendre la validation des autres pour se lancer. Il faut oser, apprendre, échouer, recommencer, mais surtout, rester fidèle à soi-même.
Entretien réalisé par Alpha Camara