Le Mélangeur sort ‘’Maraguiri’’, un album rap ancré dans ses racines

Le 15 avril dernier, le jeune rappeur guinéen Le Mélangeur, icône de la drill dans son pays, a lancé sur le marché du disque son premier album, composé de 15 titres. Intitulé Maraguiri, qui signifie “la destinée” en soussou, ce premier opus est bien plus qu’un simple projet musical. En effet, il s’agit d’une déclaration artistique puissante puisque tous les morceaux sont interprétés en soussou, sa langue maternelle, et sont imprégnés de rythmes guinéens comme le tombologni.

Entre introspection, critique sociale et énergie festive, l’artiste déroule une série de récits puissants, portés par des collaborations de haut niveau avec des artistes guinéens tels que Takana Zion, Soul Bangs, Koury Simplé, Sagatala, Lil Bérété tout en s’ouvrant à l’Afrique avec le rappeur ivoirien Philipayne.

Dans un paysage rap souvent dominé par le français pour s’exporter, Le Mélangeur fait le choix audacieux de s’exprimer exclusivement en soussou, dépassant ainsi le simple effet de style. Pour lui, c’est une revendication identitaire. “C’est la langue dans laquelle j’ai pleuré et ri enfant. Elle me permet de dire les choses comme elles sont, sans traduire mes émotions”. En optant pour sa langue maternelle, Le Mélangeur se lance le défi de prouver qu’un rap enraciné peut toucher les cœurs, même au-delà des frontières.

Le titre éponyme, Maraguiri, donne le ton dès les premières notes. Sur une rythmique mélangée de guitare acoustique et d’une atmosphère trap, Le Mélangeur s’adresse à sa mère. Il lui demande pardon de ne pas avoir suivi le chemin de son père, tout en sollicitant sa bénédiction pour choisir la musique comme voie de vie. L’artiste réussit à incarner plusieurs générations, celles qui aspirent à se réaliser en dehors des sentiers battus, sans renier leurs origines.

L’EP explore la richesse musicale guinéenne, mais avec une réinterprétation urbaine et contemporaine. Tongologni est un clash direct contre les rappeurs qu’il accuse de s’être égarés. Avec la détermination du rappeur ivoirien Philipayne, le morceau devient un règlement de comptes à danser debout. Dans Efalanè, l’artiste revient sur ses débuts, les humiliations, les galères, les promesses non tenues. Mais aussi cette force intérieure qui l’a mené jusqu’ici. Un titre dansant mais chargé de parcours. Le Mélangeur constate, témoigne et décrit sans filtre. Dans Fèrèmouna, il évoque une jeunesse guinéenne livrée à elle-même, prisonnière du désœuvrement et des tentations. “Ils tombent dans les vices parce qu’ils n’ont pas le choix.” C’est sombre, mais c’est aussi l’un des rares morceaux qui ose mettre des mots sur les silences sociaux. Avec Titi Camara, en featuring avec Soul Bangs, ce morceau est une ode à l’amour malgré les blessures. Un clin d’œil à l’ancienne star du Syli national, devenu ici symbole de passion et de plaisir de vivre malgré les coups de la vie. Le rythme est plus lent, la vibe plus tendre mais le flow plus caressant. Sur Tonê, il s’entoure de Takana Zion pour affirmer un mental d’acier. Sur une production amapiano-rap, les deux artistes parlent de persévérance, de résilience, de vision. Dans les couplets, les deux lèvent un verre à la réussite, sans oublier le chemin parcouru. L’EP dévoile aussi le côté romantique du rappeur dans le titre Décoller, en collaboration avec Koury Simplé. Les punchlines laissent place à des mots tendres et à des harmonies romantiques.

Quant aux rythmes guinéens, Le Mélangeur confie que la Guinée est une référence mondiale en matière de culture, tout en insistant sur le fait que le rap guinéen a des racines profondes et un avenir à écrire dans ses propres mots.  

Avec “Maraguiri”, Le Mélangeur dresse un portrait sociétal aux couleurs de la pression familiale, des rêves contrariés, des désirs de partir, la joie d’aimer et le besoin de s’affirmer. Chaque morceau est un chapitre et chaque ligne un reflet du quotidien guinéen.

Alpha Camara