Moussa Doumbouya, connu sous le sobriquet Petit Tonton, est un conteur guinéen auteur du livre de contes La vallée de l’espoir.
Ce passionné de l’oralité ancestrale, médaillé d’argent aux Jeux de la francophonie catégorie « Conte » en 2017, est aussi initiateur du premier festival de promotion et de valorisation du conte, La Grande Nuit du Conte.
En cette journée mondiale du conte, notre rédaction l’a eu autour de certaines questions d’actualité.
Le thème de l’édition 2023 de la Journée mondiale du conte est « Ensemble, tout est possible ». Sur le thème, Petit Tonton a indiqué :
« Aujourd’hui, c’est le 20 mars, la journée mondiale du conte et le thème de cette année est « Ensemble tout est possible ». C’est tellement clair qu’on n’a pas besoin de trop argumenté. Vous savez qu’en malinké, un seul doigt ne peut pas soulever un grand bagage. Quand on réunit les 5 doigts de la main, on arrive à faire quelque chose. Et quand c’est encore les 10 doigts, on arrive à faire beaucoup plus de choses. Cela veut dire que le monde d’aujourd’hui est dominé par l’individualisme, l’égoïsme et c’est pour ça qu’il y a beaucoup de choses qui n’avancent pas, les pays n’avancent pas, les sociétés se cassent la gueule. C’est pour ça que les politiciens seuls manipulent tout un pays, plusieurs communautés pour leurs intérêts égoïstes et que nous, nous suivons cela c’est-à-dire que chacun se met derrière la communauté. Et qu’on dise ensemble, on peut déplacer les montagnes ce n’est pas des paroles inutiles, ce n’est pas de simples belles paroles. Avant, nos ancêtres travaillaient ensemble. Je prends un exemple au village, quand les villageois se donnaient la main pour cultiver ensemble les champs de chacun, de chaque famille, ils se réunissaient pour aller cultiver au champ de Camara aujourd’hui, demain ils vont cultiver les champs de Mamadi ça fait que plusieurs personnes ont plusieurs grandes récoltes. Donc voilà ce que moi je comprends à travers cette assertion ».
La vie socio-économique est bouleversée par le numérique. A la question de savoir si le conte risque de perdre sa chaleur humaine au profit du numérique ? Moussa répond :
« Le monde d’aujourd’hui, c’est le monde des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Personnellement, je vais parler de notre expérience dans le travail que nous faisons à Koumakan, nous allons là où les gens sont, nous amenons le conte là où les gens sont. C’est vrai qu’aujourd’hui les gens sont sur les téléphones, les tablettes, la télé mais quand nous organisons des évènements autour du conte, les gens viennent, se bousculent pour acheter des places, on fait sold out. A chaque fois qu’on organise la Grande nuit du conte. Le 17 mars, nous, on a fêté la journée mondiale du conte à l’avance, on a fait le plein de l’espace, on a refoulé du monde. Donc, je ne crois pas que le conte va perdre sa chaleur humaine au profit du numérique puisqu’on passe par ce même numérique pour ramener les gens à l’humain. Nous avons créé la maison de l’oralité et du patrimoine Koumakan pour ça. Cet espace de connexion mémorielle, cet espace d’échange intergénérationnel, cette maison qui nous ramène à l’humain à l’essentiel ».
Le conte, longtemps considéré comme une école en Afrique ancestrale, a-t-il toujours une place de choix?
« Le conte a une place très importante aujourd’hui en Guinée à travers le travail que nous menons, que nous faisons depuis quelques années. Aujourd’hui, beaucoup de gens pensent au conte dans leur évènement, dans leur organisation, dans leur entreprise. Ça veut dire que nous sommes en train de réussir le pari. Aujourd’hui, quand les entreprises veulent présenter un produit, ils appellent un conteur, ils veulent fêter les 30 ans, les 20 ans, ils appellent un conteur pour raconter l’histoire. Beaucoup de gens aujourd’hui commencent à mettre le conte dans leur quotidien. Les gens nous demandent de produire beaucoup plus de contes audio, ce qu’on va faire à la maison de l’oralité du patrimoine. D’ailleurs, des podcasts, donc des histoires d’avant, d’aujourd’hui etc. Donc le conte est en train de gagner du terrain aujourd’hui en Guinée », a souligné le responsable de la collection « 𝗖𝗼𝗻𝘁𝗲𝘀 𝗲𝘁 𝗟é𝗴𝗲𝗻𝗱𝗲𝘀 » des editions Harmattan Guinée.
Entretien réalisé par Alpha Camara