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Michel Bowa, ex-chanteur de l’orchestre Sanankoro Sofas : « ma femme m’a quitté à cause de mon état d’invalidité »

Michel Bowa Zogbélémou, alias ‘’Eladio’’, musicien, ex-chanteur et batteur de l’orchestre ‘’Sanankoro Sofas de Kérouané’’, est né à Dorota dans la commune urbaine de N’Zérékoré. Fils de feu Téhi Michel et de feue Sény Loua, Michel Bowa est marié à une femme et père de 2 enfants dont 1 vivant, âgé de 12 ans.

Il fit ses études primaires à Dorota, le secondaire au collège Almamy Samory de N’Zérékoré et il suivra ses études du lycée à Kérouané où il obtiendra les deux (2) baccalauréats, pour enfin être orienté à la faculté d’Agronomie de Faranah. Il y passera 2 ans sans son souhait. Ce qui, d’ailleurs, à la fin se soldera par l’abandon des cours à la faculté pour rejoindre Conakry sans avoir d’autres perspectives alternatives entre les mains.

Fouetté dans sa conscience, Michel Bowa, désireux d’atteindre son objectif à travers son option de choix, va se réorienter à l’Université Koffi Annan, malgré le retard accusé dans le cycle universitaire. Il sortira néanmoins, comptable, Administrateur civil.

Fonctionnaire d’Etat depuis 2007, Michel Bowa ‘’Eladio’’, a servi tout d’abord au Ministère du Contrôle économique et financier d’alors. De nos jours, invalide, il relève du Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, précisément de la Direction nationale de la réconciliation nationale.

Invalide parce qu’estropié de son pied gauche plus haut, au niveau de la cuisse, Michel Bowa a reçu à son domicile votre site électronique Guinéenews.

Ce musicien dont le sort actuel suscite de la pitié, était assis, mal en point, au beau milieu de son lit. Son état de santé nous a mis au bord des larmes. En plus de l’amputation de la jambe gauche, la menace d’une métastase est à craindre aujourd’hui pour son pied droit qui commence à présenter niveaux des orteils les mêmes symptômes dont le développement a conduit à une première mutilation.

En dépit de son état de santé extrêmement chancelant, Michel garde un mental de fer avec toujours le sourire au coin des lèvres. Dans cette interview qu’il a bien voulu accorder au site électronique Guinéenews, il relate sa venue fortuite à la musique, sa reconversion du chant à la batterie, revient sur son parcours musical, partagé entre l’orchestre de la faculté de Faranah et le Sanankoro Sofas de Kérouané. C’est au cours de cette aventure qu’il a eu à partager la scène musicale des années durant avec Iblouse Kouyaté, le géniteur du célèbre titre ‘’Bonga’’. Découvrez donc le contour de l’histoire rocambolesque d’un héritier qui a finalement abandonné l’héritage de son père au profit de sa vie…

Lisez ! 

Connu en tant que musicien, dites-nous comment êtes-vous venu dans ce monde artistique ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : c’est vraiment une aubaine qui s’était présentée à moi et j’ai profité de l’occasion pour apprendre la musique. C’était à Kérouané quand j’étais en 12ème année. J’habitais avec 4 amis qui jouaient déjà dans l’orchestre ‘’Sanankoro Sofas’’. Ils répétaient tout le temps dans la case. Un parmi eux m’a dit un jour ceci : « tout ce que tu peux avoir de nous, c’est ce que nous faisons maintenant devant toi ». Ils m’ont tous exhorté d’apprendre la musique. C’est ainsi que je suis venu dans la musique en commençant par la caisse claire. Ils ont unanimement reconnu que j’avais l’oreille musicale et je m’adaptais facilement aux différents rythmes. J’ai chanté aussi avec eux et seulement qu’au début, je n’avais pas la tonalité. De fil en aiguille, j’ai pu remonter la pente au niveau du chant.

Après avoir obtenu le baccalauréat à Kérouané, nous avions été tous orientés à la faculté agronomique de Faranah d’alors. Des étudiants, musiciens venus d’autres régions se sont joints à nous, pour former l’orchestre de la faculté. Cet orchestre se fusionnait le plus souvent à l’orchestre fédéral de Faranah. Précisément notre orchestre présentait aux hôtes de marque des récitals (poèmes militants) et nous jouions parfois pour des animations à la permanence fédérale. Je chantais et m’appliquais à la caisse claire.

D’ailleurs trois de mes amis venant de Kérouané ont été cooptés par l’orchestre fédérale de Faranah. Personnellement, je n’ai fait que le premier degré de la faculté de Faranah d’où, après l’échec pour l’accès au second degré, j’ai été titularisé fonctionnaire, puis affecté à Mamou (Soyah) et ensuite à Kouroussa. Arrivé à Kérouané, j’ai directement intégré le ‘’Super Sanankoro sofas’’ de Kérouané, en compagnie du talentueux guitariste animateur Iblouse Kouyaté. Comme je suis passé dans les mains de plusieurs chanteurs et l’expérience s’accroissait, j’ai été retenu au niveau de la section chant.

Dites-nous du chant, comment vous êtes revenu à la batterie ?

 Michel Bowa ’’Eladio’’ : mes qualités d’antan, notamment l’oreille musicale et la maîtrise de l’immense répertoire du Sanankoro Sofas, furent mes atouts. C’est lors d’une rencontre pour échanges culturelles, organisée à Kérouané par l’université de Kankan, que je suis revenu à la batterie. Le batteur titulaire, feu Seydouba Sylla, chef d’orchestre d’alors avait quitté Kérouané, sans faire au revoir et il fallait trouver un batteur. C’est ainsi, Iblouse Kouyaté et moi, nous nous sommes mis à l’œuvre pour colmater la brèche. J’avoue que finalement, j’étais incontournable dans l’orchestre. Car, j’appartenais et à la section chant et à celle de la rythmique.

Aviez-vous participé au succès qu’a connu à Conakry le ‘’Sanankoro Sofas’’, à travers le célèbre titre ‘’Bonga’’, et quelles sont les grandes rencontres auxquelles vous aviez participé à travers vos prestations en compagnie de cet orchestre ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : j’ai joué à la batterie, lors de la composition de cette célèbre chanson de Iblouse Kouyaté avec le ‘’Sanankoro Sofas’’. Je n’étais pas de la partie à Conakry. Néanmoins, j’ai participé à plusieurs quinzaines artistiques à Kankan et à deux festivals à Conakry. Sauf qu’à l’époque, l’orchestre n’occupait pas de bons rangs.

Notre rubrique ‘’Que sont-ils devenus ?’’ s’intéresse à la vie, aux œuvres et au carnet de santé des acteurs du secteur des arts, de la culture et des sports. Vous êtes aujourd’hui amputé du pied gauche et un peu plus haut au niveau de la cuisse. Invalide, vous l’êtes. Pouvez-vous nous expliquer comment et quand tout cela est arrivé ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : je commencerai par vous dire que l’Afrique, c’est l’Afrique. J’ai été un jour alerté par un de mes cousins par rapport à la situation de l’héritage qu’a laissé mon père après sa mort. Ce qui se chiffrait à près de 62 parcelles. Et il se trouvait que le benjamin de la famille ne faisait que revendre les terrains, sans consultation aucune. Franchement, je ne voulais pas me mêler à cette affaire d’héritage. Finalement sous pression, je me suis rendu à N’Zérékoré pour m’enquérir de la situation. Après une grande réunion de famille, il a été décidé, de délimiter les terrains et voir comment procéder au partage, entre nous les héritiers au nombre de quatre. J’ai été conseillé d’aller faire un procès-verbal de famille à la police pour une convention collective invitant tous de n’accomplir aucun acte sans l’avis de tous les enfants concernés.

Après toutes ces formalités, j’ai rejoint Conakry et plus tard, j’ai constaté une plaie sous l’orteil du pied gauche et qui progressait. Pendant plus de 3 mois, je me soignais à la maison. Et progressivement, elle s’empirait. Après l’échographie réalisé à la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale où les médecins ont détecté une gangrène à forte évolution, je fus conduit directement à l’hôpital du camp Samory pour l’amputation du pied, cela s’est passé en 2017.

Vous estimez que tous vos soucis actuels de santé sont amputables à un mauvais sort qui vous a été jeté suite à un problème d’héritage ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : bien qu’étant croyant, je suis persuadé que c’est un mauvais sort qui m’a été jeté. Je ne suis pas du tout diabétique et c’est à mon retour de N’Zérékoré que tout a débuté. Je suis conscient que j’ai bloqué les intérêts des uns et des autres à travers mon opposition à la dilapidation des biens laissés par mon père.  

Où en êtes-vous présentement au sujet du partage de cet héritage ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : Astakhfouroulaye !, Astakhfouroulaye ! Astakhfouroulaye ! (Dix mille fois).

Ce problème a failli me coûter la vie et voyez l’état dans lequel je suis aujourd’hui. Ma femme m’a quitté à cause de mon état d’invalidité et imaginez-vous, c’est dans cette situation, que j’ai perdu ma première fille qui était un soutien pour moi. Ma vie est pleine de cauchemars, je ne dors presque pas.

En définitive, je me suis retiré de ce problème d’héritage et je m’en remets au bon Dieu.

Peut-on conjecturer qu’il y a une certaine amélioration de votre état de santé ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : écoutez, je ne pourrais pas dire que tout va bien. Pendant que le pied droit aussi vient d’être affecté d’une dermatose au niveau des orteils.

Etes-vous toujours dans cette position d’incrédulité en croyant que cet autre mal au pied droit est lié à la même cause… qui vous a fait perdre la jambe gauche ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : écoutez et dans tous les cas, je suis en train de me faire soigner à l’hôpital. Vous avez vu tous ces produits pharmaceutiques sur ma table et je suis suivi pour l’instant par celui qui m’avait amputé le pied gauche. Dieu est là et je suis en train de suivre mon destin.

Avant, pendant et après cette intervention chirurgicale, aviez-vous bénéficié des prises en charges ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : je n’ai bénéficié d’aucune prise en charge, si ce n’est celle de mes parents ou moi-même.

Quelles sont vos relations avec le BGDA et aviez-vous souscrit à l’assurance BGDA-NSIA BANQUES ASSURANCES ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : franchement, je ne suis pas inscrit au BGDA et je n’ai pas non plus souscrit à cette assurance dont vous parlez, et dont je ne connais même pas l’existence. Si possible, je verrai comment tout cela se passe et si je suis concerné, rien ne m’empêchera d’y adhérer.

Avec toutes ces charges liées à votre maladie, avez-vous d’autres sources de revenus ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : comme je l’ai dit, mon salaire reste l’unique source de revenu que je possède. Je suis sur virement à l’ECOBANK et vu mon invalidité et ma confiance aux autres, c’est mon ami qui vous a conduit à mon domicile, qui part chercher mon salaire à la Banque, puisqu’il connait mon code secret. Voyez-vous ce que cette invalidité cause comme pénalité ? Dieu est mieux que tout cela.

25 ans de carrière musicale, il est certain que vous avez des beaux et mauvais souvenirs à nous raconter ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : mon plus beau souvenir reste la semaine de la musique moderne qui a été organisée à Kankan. Face aux orchestres fédéraux de Kankan, Mandiana, Kouroussa, Siguiri et Dabola, le Sanankoro sofas de Kérouané avait raflé le 1er prix. Le réel souvenir que je retiens, est notre retour en triomphe à Kérouané. Nous avions été accueillis à 12km avant la rentrée de Kérouané, plus précisément à Kamandou. Le cortège était de taille, composé des Masters, des femmes et hommes, de tout Kérouané. J’ai vu mes larmes couler ce jour, sous l’émotion, face à tout ce monde réuni pour nous célébrer. C’est un inoubliable souvenir. Mon plus mauvais souvenir reste ma séparation, je dirai inattendue et non dans les règles, avec l’orchestre ‘’Sanankoro Sofas’’ de Kérouané. Le jour du voyage de l’orchestre sur Conakry, je fus retenu par Hadja Djènè Saran Camara pour tenir l’animation de son night-club qui allait être inauguré le même jour. Je revois encore les tractations pendant des heures autour de ce problème. Finalement, le ‘’Sanankoro sofas’’ partira sans moi. C’est cette façon de se séparer de l’orchestre et qui demeure ma faute, qui me dérange toujours. C’est un mauvais souvenir que je garde encore et que je regrette les faits.

Dans cet état actuel d’invalidité, vous vous intéressez à la musique ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : je m’intéresse à la musique à travers les sons que j’écoute à la radio et que je regarde à travers la télévision. Je suis tous les mardi, vendredi, samedi et dimanche, l’émission le ‘’Rétroviseur’’, animé par Fodé Camara sur Evasion 90.7. A l’écoute de cette émission, je me rappelle du glorieux passé de la musique guinéenne.

En tant qu’ancien musicien, aujourd’hui presque cloué au lit, avez-vous un cri du cœur qui vous ronge ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : plus qu’un cri de cœur, laissez-moi vous dire que je suis très déçu à travers ce qui se passe en Guinée. Au niveau des conditions de vie et de traitement des artistes. Nous sommes abandonnés à nous-mêmes et pourtant, nous avions consacré toute notre vie au service de la culture et de la nation.

La dernière fois que j’ai rencontré Zézé Guilavogui, chanteur des ‘’Sofas de Camayenne’’, très malade, bien que j’étais encore sur mes deux pieds, nous avions tous pleuré. Les autorités doivent se pencher sur le problème des artistes. Il y a quelques actes de faveur qui sont posés, mais ces avantages ne concernent pas tout le monde. Il faut partager le gâteau à part égal. D’ailleurs, c’est pourquoi toutes mes prières, c’est pour ma santé et la santé pour les uns et les autres.

Dans votre état actuel, invalide du pied gauche, et voilà que l’unique pied droit commence à s’infecter, quel appel avez-vous à lancer afin de trouver les moyens pour sauver votre dernier appui sur le sol ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : je remercie le Tout puissant Allah de m’avoir gardé en vie tout ce temps. Je remercie tous ceux qui se sont investis à mes côtés, durant ces périodes de peine et de douleur.

A part les béquilles, c’est vrai que l’unique pied support est infecté. Je demande donc de l’aide à toutes les bonnes volontés et surtout à la jeunesse de Kérouané, pour laquelle, je me suis déployé afin d’apporter de la joie et de la gaieté durant plusieurs décennies. Aujourd’hui, se retrouver dans cet état, personne ne pouvait y croire et je vis avec un moral sans faille et avec un mental en acier. Je suis croyant et je compte sur tout le monde par la grâce de Dieu.

Peut-on savoir ce que représente pour vous la richesse, le succès et la mort ?

Michel Bowa ’’Eladio’’ : pour moi, la richesse, c’est la santé.

Le succès signifie la gloire. Cette gloire enivre du coup, si l’on n’a pas les pieds sur terre. Plusieurs artistes se laissent aller sous l’impulsion du succès, et regrette en fin de compte. Le succès se gère. 

Nous vivons avec la mort. Si l’on nait, c’est que l’on doit mourir. Il faut croire en Dieu, et la mort c’est la fatalité.

 

 SOURCE : GUINEENEWS.ORG

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