Même si d’aucuns remontent ses origines lointaines, l’ethno-stratégie n’a jamais été aussi vilipendée en Guinée que les 10 dernières années.
Les replis communautaires pour remporter les adversités politiques à l’heure des médias sociaux déchiquettent tous les jours le tissu social guinéen qui ne tient plus qu’à un insignifiant bout de fil.
Les jeunes se radicalisent tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes… derrière leur ethnie.
Les yeux sont bandés pour ne lire que les noms de famille au lieu des idées. Les oreilles bouchées pour n’entendre que sa langue mais pas celle des autres. Les langues alourdies pour ne parler que la sienne…
Dans les médias, tout comme sur les réseaux sociaux, il suffit de trier les commentaires pour voir ce mal grandir chaque instant.
Des « musulmans » laissent des mosquées près de leurs maisons pour parcourir des kilomètres à trouver une mosquée où leur ethnie est majoritairement représentée.
Des mariages empêchés pour des raisons ethniques. Le tout avec la bénédiction des médias et les réseaux sociaux guidés par les stéréotypes reçus sur les autres depuis le berceau.
LA CULTURE NE DEVRAIT PAS SOUFFRIR DE CE MAL…
Le monde culturel repose tout d’abord sur l’amour et la passion de faire plaisir aux autres à travers son art. La seule unité de mesure de ce secteur est le talent.
Peu importe l’appartenance ethnique, raciale ou religieuse, la culture donne les mêmes chances à tout le monde.
Une œuvre d’art, c’est d’abord sa beauté très relative et désintéressée. Pas besoin de comprendre la langue pour aimer une chanson. Pas besoin de l’identité du peintre pour contempler un tableau. Même pas besoin des origines d’un pas de danse pour les esquisser.
J’ai la chance d’appartenir à une génération qui est d’abord préoccupée par le contenu d’une œuvre avant son auteur.
La génération de Walkmans. Celle des radios 6, 8, 10 piles qui se laissait emporter par les flows et les lyriques de Yoriken. Celle qui perdait sa voix en imitant les cris de Duff.
Celle qui rebondissait sur les rythmes et les voix multilingues des Harmony Poussy, Silatigui, Sembèdèkè, Méthodique, Puissance Mandingue, Mifa Gueya, DEGG J FORCE 3… Celle qui se mêlait aux sermons de Jack Woumpack… Oh ! La Belle Époque !
Quelle que soit la langue, nous avions le don de maîtriser les textes des chansons sans savoir ce qu’on chantait. Et c’était beau !
Aujourd’hui, les noms de famille s’imposent à la place du talent. Les soutiens se manifestent selon l’identité de l’artiste. Les carrières mêmes sont lancées sur fonds d’SOS…
Pourtant, la vraie identité d’un artiste c’est son œuvre, son art, pas son opinion politique encore moins sa religion.
C’est l’œuvre d’un artiste qui est son unité de mesure. C’est d’abord l’œuvre qui pousse à le découvrir.
Les opinions politiques d’un artiste sont différentes de ses œuvres. On peut aimer les œuvres d’un artiste et rejeter son opinion politique.
On peut aimer les œuvres de Bob Marley et détester sa vie de rasta. On peut adorer les chansons de Vybs Cartel et se désolidariser de son caractère criminel. La plume de Thierno Monenembo est irréprochable mais on peut tourner le dos à son opinion politique.
L’amour désintéressé est le dénominateur commun de tous les arts. Les considérations politiques ne devraient pas peser plus qu’un coton dans l’univers culturel.
DÉSINFECTEZ VOS CŒURS !
Ousmane Bangoura